vendredi 29 mars 2024
Suivez-nous
Table ronde Reko Tika : Pour "une mise en place rapide et concrète des mesures pratiques"

Lundi 12 juillet 2021 - Le Président de la Polynésie française, Edouard Fritch, a, lors d’une conférence de presse, lundi matin, à la Présidence, évoqué les engagements du gouvernement central suite à la conférence de presse de haut niveau sur le nucléaire, les 1er et 2 juillet, à Paris, avec la délégation Reko Tika.

La conférence de presse s’est déroulée en présence également du ministre de la Culture et de l’environnement, Heremoana Maamaatuaiahutapu, du président de l’Assemblée de la Polynésie française, Gaston Tong Sang, du président du CESEC, Eugène Sommers, du conseiller économique, social et environnemental, Jean-Marie Yan Tu, et de la Déléguée au suivi des conséquences des essais nucléaires, Yolande Vernaudon.

2021-07-12-CONF-PRESSE-REKO-TIKA-36

Dans son discours, le président du fenua a rejoint les propos de son coordonnateur de délégation, Joël Allain qui annonçait ses derniers jours : " Nous n'avons pas perdu notre temps". Il poursuit ainsi avec le relevé de décisions du gouvernement central, sous forme de courrier, adressé par le premier ministre, Jean Castex. La lettre souligne d'ailleurs "l’intense préparation par les groupes de travail " mis en place à Papeete et la qualité des spécialistes de très haut niveau qui sont intervenus à Paris.

Dans ce courrier, le Premier ministre explique qu’à la suite de la table ronde, il a " souhaité, sans délai, faire part des conclusions pour l’action du Gouvernement dans les mois à venir".

1- OUVERTURE DES ARCHIVES

La première mesure concerne « l’ouverture des archives ». A cet égard, tout sera déclassifié. Cependant, et c’est parfaitement compréhensible, les archives contenant des informations dites « proliférantes », c’est-à-dire celles qui peuvent permettre d’avoir des éléments sur la construction de la bombe, ne peuvent être mises sur la place publique. Un travail de tri a déjà commencé et le Premier ministre indique qu’il sera « intensifié ».
Le Premier ministre a précisé qu’une « commission sera chargée de superviser l’avancée des travaux » de tri.
Le Pays devra désigner à cet effet un correspondant polynésien qui contribuera à l’avancée de ces travaux ». 
Le Premier ministre a réaffirmé au passage « le soutien et la disponibilité de l’Etat à la création du Centre de mémoire », dont la conception relève de la responsabilité de la Polynésie française.

2- CONSEQUENCES SUR LA SANTE
Dans son courrier, le Premier ministre aborde ensuite « les effets des essais nucléaires sur la santé, qui ne peuvent être niés ». Pour lui, « mieux comprendre et connaitre les mécanismes d’apparition et de développement des maladies radio-induites est essentiel, et la question notamment du lien entre l’exposition à de faibles doses des rayonnements ionisants et le cancer de la thyroïde devra être approfondie ».

Il annonce ainsi « l’extension et l’approfondissement de l’étude Sépia » afin de « prendre en compte l’ensemble des travailleurs présents sur les sites du CEP ». Une ancienne revendication de l’Association Tamarii Moruroa. L’étude Sépia est une étude qui a été confiée en 2019 par l’Etat à l’organisme indépendant SEPIA-Santé et qui concernait les causes de mortalité d’une cohorte de plus de 30.000 vétérans qui avaient été présents sur les sites du CEP entre 1966 et 1996 et qui portaient des dosimètres.
L'état a annoncé que cette étude va être étendue à l’ensemble des travailleurs sur site, et notamment les personnels civils qui ne portaient pas de dosimètre. Il souligne également que la liste des maladies radio-induites « pourra être adaptée au fil des travaux internationaux et notamment de l’UNSCEAR », le comité des Nations-Unies sur les effets des radiations atomiques.
Il rappelle également qu’au travers de la Convention santé, l’Etat apportera son soutien à « la qualification de votre registre des cancers et au développement de l’oncologie » et à « l’appui au dépistage et à la meilleure prise en charge des
malades ».

3- INDEMNISATION DES VICTIMES
Concernant l’indemnisation des victimes, M. Jean CASTEX réaffirme le principe posé par le Président de la République et qui doit s’appliquer : « l’Etat a créé un droit à l’indemnisation pour les victimes des essais nucléaires. Il a le devoir de
permettre à tous ceux qui s’estiment victimes de présenter un dossier au CIVEN ».
Ce principe étant acquis, il fait aussi le constat que l’accès au dispositif d’indemnisation est complexe et peut décourager certaines personnes isolées. Aussi, il précise que « la décision a été prise de mettre sur pieds une équipe constituée de personnes disposant de compétences médicales et administratives qui aura pour fonction de se rendre sur place, au plus près des Polynésiens, pour les informer sur leurs droits, les aider à évaluer leur situation de santé et à constituer leur dossier ». 

Le Premier ministre ajoute que cette équipe fera également ce travail auprès des ayant-droits et précise enfin « que le nécessaire sera fait par voie législative pour que le délai de dépôt des dossiers auprès du CIVEN soit repoussé de trois
années (jusque fin 2024)».
Des moyens financiers supplémentaires seront alloués au CIVEN. Concernant la prise en charge par l’Etat des frais engagés par la CPS, le Premier ministre affirme nettement : « cette demande apparaît légitime » et il rajoute « Il est normal en effet qu’à côté du dispositif d’indemnisations individuelles, les dépenses engagées par la collectivité fassent l’objet d’un remboursement ».

4- IMPACTS SUR LES TERRITOIRES

Concernant le volet des impacts sur les territoires qui concernait les travaux de la dernière partie de la table ronde, le Premier ministre rappelle « que les atolls de Moruroa et Fangataufa demeureront des emprises militaires », les traces
des explosions et les déchets enfouis pouvant revêtir un caractère d’informations proliférantes. A cet égard, la délégation Reko Tika a mis sur la table le principe d’une compensation pour perte de jouissance.
Pour ce qui concerne Hao, il retient que « les modalités de dépollution du site » font l’objet d’une « perspective de solution technique envisageable ». Pour lui, un travail commun des services de l’Etat, du Pays et de la commune « doit être engagé rapidement ».

Pour ce qui concerne le CRSD, le Premier ministre a acté « la prolongation de la durée de ce contrat afin de terminer les opérations qui s’y rattachent » ainsi que « la prise en charge des coûts liés à la dépollution amiante des bâtiments ».
Enfin, il précise clairement que « les crédits non engagés seront redéployés sur des action de redynamisation économique».
Sur le volet des conséquences de l’arrêt des essais sur l’économie polynésienne, le Premier ministre a reconnu que la réunion n’a pas eu le temps d’approfondir ces sujets : « la table ronde n’a permis que d’amorcer la réflexion sur ces sujets stratégiques pour la Polynésie française, et qui dépassent bien évidemment la question des conséquences des essais nucléaires».